INTERVIEW EXCLUSIVE AVEC MATTHIAS, DE MACCHABEE ARTWORKS
Chez Astobelarra, nous aimons soigner nos couvertures pour que les livres que nous publions aient une identité marquée. Le premier contact avec une œuvre (toujours visuel) revêt pour nous une importance non négligeable. Ainsi, même si l'habit ne fait pas le moine, nous faisons en sorte que ce dernier soit sur son 31 autant que faire se peut.
Certaines couvertures sont le fruit de
notre travail personnel ; d'autres nécessitent de faire appel à des
artistes (peintres ou illustrateurs) lorsque le projet dépasse nos capacités
techniques. Pour la première fois dans l'histoire d'Astobelarra, nous avons
décidé de passer un de nos mercenaires à la question afin de vous en apprendre
un peu plus sur ces barbouilleurs de l'ombre. Et c'est Thomas qui s'y colle,
pas peu fier de l'avoir découvert grâce à l'émission de radio Paroles de
metal(l)eux !
Mesdames et messieurs,
préparez-vous à faire connaissance avec... (roulement de tambour) Matthias de
Macchabée artworks !
Matthias : Salut
Thomas, salut Astobelarra : avant toute chose, je tiens à vous remercier
pour cette interview bien sympathique. Nous, les illustrateurs, avons moins
souvent l'occasion de nous exprimer sur notre art que les musiciens ou les
écrivains, alors c'est avec grand plaisir que je répondrai à vos questions
aujourd'hui !
Commençons donc par le commencement : je me nomme
Matthias R. R. Bonhoure-Abercrombie (ou plus simplement Matthias Bonhoure, mais
je me dis que ça fait davantage écrivain connu d'utiliser mon patronyme entier
pour cette interview), et je suis un artiste-illustrateur spécialisé dans la
fantasy et l'horreur. Je signe mes œuvres du nom de Macchabée, un pseudonyme
que j'ai commencé à utiliser à la fin de l'année 2020, peu après mes premières
contributions artistiques avec des groupes de metal, car avant de travailler
avec le monde de l'édition j'ai démarré comme illustrateur pour les groupes de
musiques extrêmes, et c'est encore aujourd'hui ce qui occupe l'essentiel de mon
activité. Les groupes me contactent pour leurs logos ou leurs pochettes
d'album, parfois même pour des motifs de tee-shirts, soit avec une idée bien
précise en tête qu'ils me soumettent, soit en me donnant carte blanche afin que
je donne forme à leur imaginaire.
A. : Ta collaboration avec Astobelarra est-elle une première
dans le monde de la littérature ?
M. : Oui et non. D'une certaine façon, on peut
dire que c'est une première car il s'agit de ma première collaboration durable
avec une maison d'édition : à l'heure où j'écris, j'ai peint les couvertures de
trois ouvrages publiés chez Astobelarra (Les Sens Hors des Nerfs de
Thomas Ponté, Voisin Voisine de Janette Ananos et Les Enquêtes de
Mister Dingle : Panique en coulisses de Constance Dufort). Toutefois,
j'avais déjà réalisé la première et la quatrième de couverture du roman L'Enigme
des Deux Sociétés Secrètes de Jean-François Van Houteer, mais l'ouvrage n'a
été publié qu'au troisième trimestre de 2025 alors que les deux peintures
digitales avaient été réalisées en 2022. Les livres d'Astobelarra sont donc les
premiers que j'ai pu tenir entre mes mains, et j'en suis très fier !
D'ailleurs, depuis les premières commandes pour
Astobelarra j'ai illustré mon propre livre pour enfant qui s'intitule La
Légende de la Fée des Dents et du Roi Souris et je me lance avec un ami sur
un recueil de contes et de légendes illustrées de son univers
fantastique : plus d'infos en 2026 !
A. : Selon toi, y a-t-il une différence entre réaliser un visuel pour un groupe et une couverture de roman ?
M. : Du point de vue de la méthode et de l'art, il n'y a pas grand-chose qui diffère selon moi. Qu'il s'agisse de la création d'un logo, d'un artwork pour un groupe ou d'une couverture de livre, je considère cela comme un travail d'équipe : les commandes que je traite sont pour moi comme des co-créations, des œuvres qui résultent d'un travail commun d'un groupe / auteur et d'un artiste. Le client vient me trouver avec ses envies et ses attentes ; de mon côté je lui apporte mon savoir-faire, mon style et ma vision d'artiste : au bout du compte, la rencontre des deux permet d'enrichir le tout.
Je cherche toujours à
comprendre l'imaginaire des personnes avec qui je travaille. Je m'intéresse
donc aux thèmes portés, aux symboles utilisés, aux paroles ou passages
évocateurs, et à l'histoire développée par le livre ou l'album musical afin de
proposer un premier concept pertinent. Quand le client a déjà une idée précise
de ce qu'il veut – ce qui était le cas des trois couvertures réalisées pour
Astobelarra – je n'ai pas forcément besoin d'autant de précisions sur le
contexte, mais cela peut m'aider à proposer une vision un peu différente, et
enrichir l’œuvre.
Une fois tous ces éléments connus, nous convenons d'un
créneau pour la réalisation du travail – le délai variant communément de deux
semaines à trois mois – et je propose alors un à deux croquis au crayon (la
plupart du temps cela suffit), que j'accompagne d'un petit texte explicatif.
Une fois que le premier jet est validé, je me lance au propre ! Et tout au
long de la création je transmets des captures d'écran de l’œuvre en évolution
afin que chaque “grande étape” soit validée par tous.
Ce qu'il y a aussi de commun entre les couvertures de livre et les pochettes d'album, c'est la technique utilisée : le plus souvent, je propose une peinture digitale. En d'autres termes, je peins sur ordinateur à l'aide d'une tablette graphique que j'utilise comme une toile sur laquelle mes coups de stylet deviennent coups de crayon ou de pinceau. En plus d'un gain de temps certain – car il n'y a pas de préparation de palette, de nettoyage d'ustensiles ou de temps de séchage – cette technique est parfaite pour ce type de commandes car j'ai accès aux gabarits, je peux simuler en temps réel le placement des titres, logos et textes, et surtout cela me permet de transmettre directement une image en très haute qualité sans avoir à scanner une toile – procédé coûteux et complexe lorsqu'il s'agit d’œuvres en grand format.
M. : C'est une très bonne question ! En
tant que professeur de français j'ai l'habitude de manipuler des livres, et
cela faisait bien longtemps que je rêvais d'en illustrer. Et ce depuis tout
petit, puisque cette question me remet en mémoire une Encyclopédie des
monstres que j'avais commencé à illustrer, avant de découvrir le metal par
la suite, à mon adolescence – et j'ai même quelques dizaines de feuillets qui
dorment encore dans un tiroir de ma chambre, chez mes parents. Depuis 2019
j'illustre des albums et tee-shirts de groupes de metal, mais il est vrai que
le monde des livres est toujours resté bien présent dans un coin de mon esprit,
et plus particulièrement l'univers de la Dark Fantasy et de l'Horreur Cosmique
à la Lovecraft.
Alors quand tu es venu me proposer de bosser sur la
couverture de ton roman Les Sens Hors des Nerfs, puis qu'Astobelarra est
venu me passer commande à deux reprises, j'étais tout heureux ! J'espère
maintenant que cette entente va se pérenniser, et que j'aurai ensuite
l'occasion d'illustrer également pour des maisons d'édition comme Bragelonne ou
Mnemos qui ont une assise certaine dans les univers imaginaires et les contrées
sombres.
A. : L'art a des vertus cathartiques, est-ce que durant ta
scolarité tu t'amusais à caricaturer tes profs pour faire marrer tes
copains ?
M. : Pour le coup, j'ai toujours plus ou
moins dessiné pour moi. Et même si je suis passé par la case
« caricature » dans mon parcours d'artiste (j'ai d'ailleurs croqué
l'actualité sous le pseudo Nariz de 2015 à 2020 pour quelques journaux),
j'ai davantage dessiné des monstres que défiguré les profs ! Depuis mon
enfance je suis fasciné par la monstruosité, la part sombre des humains et les
créatures bizarres que l'on retrouve aux confins du réel : entre Willow,
les Gremlins, le Seigneur des Anneaux et Harry Potter pour les films, et puis
Magic, Warhammer et Skyrim pour ce qui est des jeux, je me suis pas mal
construit par rapport à ces références.
L'art a des vertus cathartiques, c'est vrai, et c'est
pour ça que je l'utilise soit pour m'évader, soit pour expier mes démons en les
couchant sur papier à coups de pinceaux et de crayons. C'est comme pour la
musique extrême dont toi et moi sommes francs amateurs : il y a quelque
chose de vital et de profondément riche à exprimer toute l'intensité de nos
émotions par de pareilles formes artistiques.
A. : T'arrive-t-il parfois de bloquer sur un projet ?
M. : Bien sûr ! Heureusement, ça m'arrive
plutôt rarement, mais c'est vrai que certains projets peuvent parfois me donner
du fil à retordre. Curieusement, il s'agit davantage de mes propres projets que
des commandes que je reçois, principalement parce que je suis un peu (beaucoup)
procrastinateur et que j'ai douze millions de trucs en même temps... Entre la
vie de famille, le boulot de prof, la musique, l'art et le reste, il n'y a que
lorsque j'ai un emploi du temps de malade mental que j'arrive à me botter les
fesses ! J'aime quand les choses vont vite, et j'ai du mal avec les
projets trop longs, ou qui s'étalent sur le long terme ; alors forcément
le format d'illustrateur me convient parfaitement puisque je travaille avec
tout plein de clients variés qui ont autant d'univers que de projets
différents. J'y trouve vraiment mon compte, et je trouve ça vraiment super
enrichissant : chaque nouvelle commande est un challenge qui me pousse
hors de ma zone de confort, et c'est très stimulant.
M. : Oui,
ça m'arrive parfois. Souvent, c'est quelque chose que je vois venir très
tôt : soit le propos soutenu prend racine dans des idées que je trouve
problématiques tant humainement que pour mon image d'artiste – je pense aux
groupes NSBM, un courant raciste et suprémaciste du black metal – alors je
refuse d'emblée la... COLLABORATION (ahah z'avez saisi le jeu de mots?). Soit
il est trop éloigné de mon esthétique et je renvoie ordinairement vers un
confrère ou une consœur qui correspond davantage au style recherché ou au
service attendu. Enfin, il m'est aussi arrivé de refuser un projet totalement
lunaire d'un groupe qui voulait à tout prix que je leur fasse un tee-shirt sur
lequel un zombie hermaphrodite s'adonnerait à un acte de nécrophilie bizarre
dans un cimetière ! J'avoue avoir quand même bien ri en lisant la demande, que
j'ai rapidement déclinée...
A. : Y a-t-il des expressions ou tics de langage qui te
hérissent, ou au contraire que tu trouves intéressants ?
M. : Là, comme ça, je pense surtout aux
éternels « comme même », « un peu près » et autres
« en dirait » qui me donnent envie d'étrangler ceux qui en usent.
Autrement, j'ai connu quelqu'un qui se refusait aux banalités, et souhaitaient
chaque soir une « bonne traversée » à ceux qui partaient au lit pour
rejoindre le pays des songes. J'ai toujours trouvé ça terriblement poétique, et
j'admire tous ceux qui parviennent à garder des yeux naïfs pour s'émerveiller
du monde et dépasser la froide et monotone réalité.
A. : Quelle est la question à laquelle tu ne voudrais pas avoir
à répondre ?
M. : Ah ben tu
me poses une colle dis-donc ! Je ne sais pas trop à vrai dire, je ne suis
pas sûr d'avoir réellement de questions taboues, mais on va dire qu'en sachant
que certains élèves pourraient tomber sur cette interview un jour ou l'autre,
je serais réticent à répondre à des questions trop personnelles ou qui
risqueraient de ternir mon image !
A. : Tu veux essayer quand même ?
M. : Oui, alors voilà, je me lance : D la
réponse D.
A. : As-tu un rêve absolu parmi tes diverses activités que tu
aimerais voir se réaliser ?
M.
: Pour ce qui est de l'art, je
rêverais de pouvoir avoir mon atelier ouvert sur la rue, dans lequel je
pourrais peindre et dessiner chaque jour sous les yeux des passants et amateurs
venus voir mes œuvres. Ce serait un lieu qui inviterait au voyage, dans lequel
les monstres et les créatures féeriques se rencontreraient au pied des châteaux
forts ou en périphérie des champs de tombes. J'imagine bien l'ambiance cabinet
de curiosité un peu cosy où l'on peut s'arrêter pour discuter et s'imprégner de
fantaisie, comme un entracte salutaire au sein de notre quotidien morne rythmé
par les actualités déprimantes de notre monde. Autrement, je rêverais de
pouvoir développer une série de livres sur des mondes fantastiques, et être
reconnu pour cela ; ou encore de pouvoir illustrer une saga connue, telles
que Le Seigneur des Anneaux de Tolkien, le Sorceleur de Sapkowski ou le
Disque-Monde de Pratchett, ou de contribuer à l'avènement d'une nouvelle épopée
imaginaire de cette ampleur ! Voilà, je pense que ce sont de beaux rêves,
et que j'ai bien assez à faire pour les prochaines années !
A. : Question "Highlander" : Si tu devais sacrifier
certaines de tes activités pour n'en garder qu'une seule, ce serait laquelle et
pourquoi celle-là ?
M. : Je pense que ce serait le dessin,
sans grande hésitation ! L'art m'a suivi tout au long de mon existence, de
mes premières années à aujourd'hui, alors la réponse est toute trouvée.
A. : Merci du temps que tu nous as accordé pour répondre
à ces quelques questions, ce fut un plaisir ! Pour les curieuses et les
curieux qui voudraient prolonger ce moment, vous pouvez jeter un œil aux liens
ci-dessous. Mais pensez à le récupérer. Matthias pourrait s'en servir pour
nourrir son univers hors norme...
LIENS
utiles :
Facebook : https://www.facebook.com/Macchabeeartworks
Instagram : https://www.instagram.com/macchabeeartworks/
BOUTIQUES :
Boutique ETSY : https://www.etsy.com/fr/shop/MacchabeeArt
Website : https://www.macchabee-artworks.fr/
Boutique physique :
KeduBo, au village d'Hautpoul (Mazamet, 81)
Pour souscrire à "Les enquêtes de Mister Dingle T2 : Panique en coulisses", le dernier roman jeunesse de Constance Dufort (couverture par Macchabée Artworks), vous pouvez encore vous rendre ici pour les deux prochains jours. Après, ce sera plein tarif !
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