VOILÀ COMMENT NOUS UTILISONS L'IA, CHEZ ASTOBELARRA.

9 images générées, aucune de bonne...
Ces derniers temps, je (Etienne Boyer, romancier, éditeur et également secrétaire des éditions Astobelarra) lis de plus en plus d'articles sur les méfaits de l'IA, sur les réseaux sociaux. La faute à tous ces starter packs et autres Ghibli trends qui y pullulent depuis des semaines !
"Cette maudite intelligence artificielle qui va bientôt nous remplacer, voler les emplois des créatifs, qu'ils soient journalistes, écrivains, illustrateurs, etc.
Je pense que ce jour est loin d'arriver. La raison principale, c'est que l'IA n'est qu'un outil. Une machine programmée pour servir l'homme. Elle ne possède aucune caractéristique humaine, comme l'imagination, la créativité, la cohérence, l'adaptabilité, la sensibilité, le talent, le travail... Et elle est incapable de rendre un résultat parfait. Je le sais parce que je l'utilise (ChatGPT et Dall-e) tous les jours, à divers titres. Donc si vol il y a, il est le fait exclusif des humains, capables de détourner, de pervertir à peu près tout ce qu'ils touchent. 

Alors oui, le rendu est parfois "bluffant" pour qui regarde les choses de façon superficielles. Mais il subsiste toujours ce ou ces petits détails bizarres qu'aucun être humain n'aurait jamais créés ou laissés. Un sixième doigt sur un personnage au second plan, une grimace improbable sur un autre au troisième plan. Des flous impossibles, des figures tellement irréalistes et aberrantes que même un Dali ou un Picasso n'auraient pu les imaginer. 
Pas une seule des images que Dall-e m'a faites n'a jamais convenu à ce que j'avais en tête. Il m'a fallu m'y reprendre un nombre incalculable de fois pour obtenir ne serait-ce que la moitié de ce que je voulais, et encore, il m'a toujours fallu retravailler les visuels avec Adobe Photoshop (et/ou Illustrator) pour obtenir un rendu acceptable à mes yeux.

J'en entends certains me dire que Midjourney est bien meilleur que Dall-e. D'autres me vantent autant d'autres IA encore plus efficaces. J'en ai essayé un certain nombre. Aucune n'a jamais réalisé exactement ce que je souhaitais. Il a toujours fallu retravailler à la main pour sortir quelque chose de valable. Bref, ça ne fait pas le taff, qualitativement parlant ! Et c'est pareil pour les textes qu'elle produit, qui sont creux, insignifiants, répétitifs, sans relief et sans épaisseur. 
Non, l'IA n'est pas près de remplacer un graphiste ou un rédacteur. 
Je pense que le patron qui virera un salarié pour le remplacer par une IA en croyant faire une affaire déposera le bilan avant longtemps, tout simplement parce que l'IA n'est qu'un outil, au même titre que le marteau, la voiture ou l'ordinateur. Il faut encore un être humain pour savoir le manipuler avec expertise. 

Mais j'en viens au fait : lorsque, autour de Noël dernier, nous avons signé Janette Ananos (autrice du roman Voisin, voisine), nous lui avons demandé quel type de couverture elle envisageait pour son livre. Nous posons toujours la question à nos talents car nous estimons qu'un auteur envisage souvent/toujours son œuvre comme un concept global. Et notre but, c'est de faire en sorte que le produit final convienne à tout le monde, auteur, éditeur, et évidemment lecteur. Janette n'avait pas d'idée précise, mais elle voulait que la couverture soit réalisée par un être humain. C'était d'ailleurs sa seule exigence. Alors nous avons réfléchi, avec l'équipe, et comme souvent, c'est Thomas Ponté qui a eu la première idée : "Je vois bien un chat qui coule un bronze sur le paillasson d'une maison béarnaise, avec un petit vieux en colère qui regarde la scène". Sacré Thomas !

J'imaginais très bien l'image et j'ai beaucoup ri en demandant à ChatGPT de me faire une, deux, trois premières versions. Avec ce premier jet, l'autrice (qui goûte moyennement la scatologie) nous a proposé une autre mise en situation, plus sage. Le chat qui griffe un arbuste, le papy qui crie en arrière plan. Ça se tenait aussi, c'était moins choquant et j'imaginais également très bien la scène. J'ai redemandé à ChatGPT de plancher sur une illustration, et après 30 essais infructueux (Dall-e n'écoute généralement pas les consignes strictes, ne tient pas compte des prompts précédents, invente des choses sans intérêt ou fades, qui n'ont pas lieu d'être, n'en fait qu'à sa tête de cochon), j'ai trouvé deux images à peu près compatibles que j'ai assemblées sous Photoshop. J'ai corrigé quelques imperfections (décor, mains du personnage secondaire... ce qu'aucune IA ne saurait faire seule) et j'ai envoyé le tout à Matthias, de Macchabee Artworks, qui nous avait déjà réalisé la très belle couverture de Les Sens hors des nerfs, de Thomas Ponté.

Ce que nous souhaitions, c'était que l'illustrateur s'inspire de l'image générée par IA pour fabriquer sa propre création. Et après 3 ou 4 allers-retours, des modifications à la marge et une validation, Matthias nous a livré la version définitive qui plaisait à tout le monde. 
Le constat est sans appel : un échange entre humains est tellement plus efficace qu'une salve de prompts dictés à une machine têtue !

Finalement, de l'idée de départ (le chat qui faisait ses besoins sur un paillasson), nous n'avons conservé que le regard vicieux du félin.
Il ne nous est plus resté qu'à intégrer la titraille, le logo, le nom de l'auteur, le cadre de la charte graphique de la collection Mozaïk, et ce fut fait. Le livre est sorti le jour du printemps de cette année. Vous pouvez d'ailleurs le commander sur notre boutique en ligne ou chez votre libraire préféré.

Voilà à quoi va servir L'IA, à mon avis : à générer des moodboards rapides, des inspirations pour les graphistes, romanciers, rédacteurs, scénaristes... Mais certainement pas à les remplacer. 
Du moins faut-il veiller à ce que cela reste ainsi, afin que l'intelligence artificielle ne transforme pas notre société - aussi bancale soit-elle - en scénario dystopique à la Terminatorthe Apprentice ou Idiocracy !
Mais à mon avis, ce n'est pas pour demain, même si tout va très vite. Moi qui la pratique tous les jours, je vous garantis qu'elle a encore beaucoup de progrès à faire avant de nous arriver techniquement à la cheville, et surtout, d'arriver à le faire de son propre chef, sans ordre humain en amont !

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